Robert Mitchum : retour sur la carrière de cet acteur de génie

Acteur physique mais faux rustre, provocateur et consciencieux, Robert Mitchum, que l’on retrouve mardi 23 mai dans La Nuit du chasseur sur TCM à 00h20, a laissé une trace indélébile au cinéma.

«Bon, alors, on y va, bande de froussards ? !» Novembre 1961. Plage de la Conche, sur l’île de Ré. Portant l’uniforme de général comme une seconde peau, Robert Mitchum houspille les figurants-militaires qui lui emboîtent le pas et hésitent à sauter des barges de débarquement, sur le tournage du Jour le plus long. La réaction ne se fait pas attendre : s’estimant outragée, l’armée américaine rappelle immédiatement la centaine d’appelés volontaires. Maître d’œuvre de la superproduction, Darryl Zanuck n’ose réprimander un Mitchum déjà mortifié. Pour le reste, impossible de brider Bob. L’acteur n’a-t-il pas pour maître mot «liberté» ?

Né en 1917 dans le Connecticut, descendant d’immigrés norvégiens, irlando-écossais, ainsi que d’Indiens Blackfoot, cet orphelin de père passe sa jeunesse à voyager dans les trains, entre fugues et déménagements familiaux. À 8 ans, le garçon, précoce, publie ses premiers poèmes dans le journal où travaille le nouvel époux de sa mère. Adolescent, il sent poindre une vocation en suivant le parcours de sa sœur, showgirl à Broadway, et en fourrant sa tête sous les tenues des danseuses et dans leurs décolletés. «C’est là, dira-t-il, pince-sans-rire, que j’ai donné mon cœur au théâtre pour toujours.» Victime, avec les siens, de la Dépression, il doit toutefois faire des détours. Arrêté et condamné aux travaux forcés pour délit de vagabondage, il s’évade, se fiance à Dorothy Spencer, enchaîne les petits boulots. Avant d’être repris en main, à 20 ans, par sa sœur qui l’encourage à passer une audition. Jouant un gigolo sur les planches, Mitchum poursuit d’autres activités. Il écrit ainsi des pièces pour enfants et des chansons, se marie à Dorothy qui lui donne un premier fils, et finit par prendre un agent qui l’oriente vers le cinéma.

Enchaînant vingt-cinq films en deux ans, Bob accepte de jouer les cow-boys au rabais, comme les figurants auprès de Laurel et Hardy. Il n’a pas d’états d’âme, juste une philosophie : «Dans ce métier, je suis allé de l’avant et n’ai jamais regardé en arrière. Je me suis dit que si Rintintin pouvait y arriver, ce serait du gâteau pour moi. » Son air assoupi et sa désinvolture font dire au cinéaste Mervin LeRoy, qui l’auditionne : «Vous êtes soit le plus mauvais acteur du monde, soit le meilleur.» Le débat est tranché, en 1945, par son rôle de troufion dans Les Forçats de la gloire qui en fait une star.

Recruté par la RKO, Mitchum illumine une décennie de films noirs, de La Griffe du passé à Un si doux visage, et parvient à faire ressentir, avec une étonnante économie de moyens, la lassitude proche de la misanthropie d’un homme rattrapé par son destin. Avant de devenir, en 1955, l’archétype du méchant par sa composition diabolique de La Nuit du chasseur, puis de montrer une facette plus sensible, deux ans plus tard, dans Dieu seul le sait. « Ce truc macho comme quoi il est un dur, c’est en partie vrai, confiera sa partenaire Deborah Kerr. Mais en dessous, il y a une réelle délicatesse. Cette image d’une créature à moitié endormie qui n’en a rien à faire, c’est faux. Il en a à faire… énormément. » Ce qui ne l’empêche pas de se moquer du qu’en dira-t-on. Sa carrière est déjà lancée en 1948 quand, surpris en possession de marijuana, il refuse de plaider coupable, préférant purger deux mois de prison. Il est aussi l’un des rares à défier les tribunaux maccarthystes en crachant son mépris à la face des juges.

Séducteur, il trompe Dorothy mais reste attaché à sa femme. Porté sur la bouteille, dès 9 heures du matin, il demeure un bon père pour ses trois enfants. «Bob avait deux êtres en lui, dira le réalisateur Michael Winner. S’il buvait un peu, il se mettait à raconter des histoires. Davantage, et il se montrait bagarreur. Mais en général, il était paisible. Ce grand lecteur était un intellectuel.» Avec les années, cependant, les occasions de briller à l’écran se raréfient, à l’exception de quelques polars et de ces ultimes eaux-fortes que sont Maria’s Lovers et Dead Man. Jusqu’à ce qu’un cancer du poumon ne l’emporte, la veille de ses 80 ans. Interrogé, peu avant, il n’avait abdiqué ni son bon sens ni sa causticité : « On a dit que je sous-jouais tellement que j’aurais pu rester chez moi. Mais je dois sûrement être bon dans ce que je fais. Sinon, on ne m’aurait pas envoyé dans le monde entier au prix où on me payait !»

 

Bio express

1917 Naissance de Robert Mitchum, dans le Connecticut, au sein d’un foyer déchiré et instable.

1945 Deux ans après ses débuts au cinéma, il explose dans Les Forçats de la gloire.

1955 L’acteur trouve, dans La Nuit du chasseur de Charles Laughton, un rôle de monstre emblématique.

1997 Décès de Robert Mitchum, à 80 ans, d’un cancer du poumon. Il laisse une veuve, Dorothy, et trois enfants.

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