Steven Spielberg : portrait et histoire d’un génie ordinaire
PHOTOS – Le cinéaste le plus populaire au monde depuis quarante ans a un secret : il a gardé son âme d’enfant. Histoire d’un génie ordinaire, à retrouver mardi 3 octobre à 20 h 55 sur France 4 : De E.T. à Jurassic Park, l’épopée du cinéma familial !
« Oui, mes premières lectures furent des BD. Oui, j’ai trop regardé la télévision. Je ressens le manque de ne pas avoir été nourri de grande littérature. » Issu du peuple du Livre, Steven Spielberg n’a jamais nié être un enfant de la télé. Visionnaire, technicien du cinéma, il n’a pas la culture d’un Coppola. À mi-chemin du créatif et de l’homme d’affaires, ce frère aîné de trois sœurs, né en 1946 à Cincinnati dans l’Ohio, assiste au lent naufrage du mariage de ses parents. Sa mère, Leah, n’a jamais accepté de renoncer à sa carrière de pianiste ; son père, Arnold, se consacre surtout à son job d’ingénieur dans l’informatique. Pour se consoler, Steven s’évade devant le petit écran, fan de séries familiales.
Il trouve en Spencer Tracy un père fantasmé. Le vrai n’est pourtant pas si absent, qui l’initie à l’astronomie et au septième art. « C’est en me souvenant avoir vu avec lui, à 6 ans, Sous le plus grand chapiteau du monde, révèlera-t-il, que j’ai su ce que je voudrais faire plus tard : impliquer le plus possible de spectateurs. » Déménageant sans cesse, le garçon, loin de se morfondre, prend goût au cadre de vie provincial qui imprégnera nombre de ses œuvres : « Spielberg a une histoire d’amour avec la bourgeoisie banlieusarde, confessera, amusé, son ami comédien Richard Dreyfuss ; il pourrait faire des films entiers sur les fêtes de quartier. »
Squatteur de studios
C’est pourtant à Los Angeles que l’ado s’épanouit à 17 ans, lorsqu’il pénètre sur les plateaux d’Universal. Squattant un bureau vide, Steven présente ses réalisations en super-8 à des cadres du studio, parvient à rencontrer Hitchcock, déjeune avec Cary Grant. Il a tous les culots. Et de la chance aussi : en 1968, un propriétaire de labo lui prête 10 000 dollars afin de réaliser un premier court-métrage pro. Histoire d’amour de deux auto-stoppeurs, Amblin’ séduit le patron d’Universal Télévision, Sid Sheinberg, qui engage Steven. Lequel se fait les dents sur un épisode de Columbo, avant d’exploser en 1971 avec Duel, traque d’un automobiliste par un camion fou. Conçu comme un téléfilm, ce suspense haletant finit en salles.
Box-office pulvérisé
L’échec de son film suivant, Sugarland Express, renforce Spielberg dans sa volonté de faire un vrai succès. « Steven, relèvera son collègue John Milius, était le seul d’entre nous à acheter les journaux économiques. Il parlait chiffres tout le temps. » Rejetant l’emploi de vedettes, exigeant de tourner en pleine mer, Steven souhaite, avec Les Dents de la mer, renouveler le film d’horreur. Il y parvient au-delà de ses espérances, pulvérise le box-office, invente le blockbuster de l’été. Changeant de registre, il doit au four de sa comédie 1941 d’exhumer une idée échafaudée sur une plage hawaïenne, en 1977. Les Aventuriers de l’arche perdue voient ainsi le jour. Son triomphe lui permet d’élaborer en 1981 E. T. l’extraterrestre, clin d’œil à sa jeunesse solitaire. Humaniste filmant à hauteur d’enfant, Spielberg sélectionne avec soins des thèmes à portée planétaire.
Virage adulte
Qu’ils rencontrent les faveurs du public avec La Couleur pourpre, ou échouent avec Empire du soleil, tous dénoncent le rejet de la différence. Ils amorcent un virage pour le cinéaste qui, passé la quarantaine, se veut « plus adulte ». Longtemps adolescent attardé, inapte à filmer les femmes et la passion amoureuse, Steven finit par se fixer. Son premier mariage avec Amy Irving ayant sombré, il fonde avec Kate Capshaw la famille nombreuse désirée. Ce nouvel équilibre se ressent à l’écran.
Le gars sympa qui a du génie
De Jurassic Park aux Aventures de Tintin, Steven ne renonce pas au pur divertissement. Mais il se montre aussi grave et politique, d’Il faut sauver le soldat Ryan à Munich. Ce qui lui permet de mettre en images l’indicible dans La Liste de Schindler, son film le plus personnel. L’homme qui, sur un plateau, se montre avec son équipe le plus paternaliste des boss a, au fond, peu de cynisme. Ayant rejeté l’idée de diriger Disney pour créer ses propres studios, Spielberg n’est-il pas simplement parvenu à concrétiser ses rêves de gosse ? Et si le petit juif du Midwest, amoureux de son pays, n’était selon le mot de son compositeur John Williams, qu’« un gars sympa et ordinaire qui, lorsqu’il réalise des films, se métamorphose en génie » ?
Bio Express
1946
Naissance dans l’Ohio. Mère pianiste. Père concepteur d’ordinateurs. Enfance nomade et passion pour l’image.
1963
Ado complexé mais ambitieux, Steven Spielberg débarque à Los Angeles avec la ferme intention de faire du cinéma.
1975
Les Dents de la mer, plus grosse recette de l’histoire, propulse le cinéaste au rang de phénomène.
1994
Marié et père de quatre enfants, Steven triomphe avec Jurassic Park. Et La Liste de Schindler remporte sept oscars.